LES ECHOS

Imprimer l'identité européenne sur le métavers

Comment s'y prendre si l'on veut que l'Europe fasse le poids face aux futurs géants du métavers ? Faut-il construire des doubles virtuels de nos musées, usines ou pays ? La bonne méthode, selon les signataires de cette tribune est de créer un métavers « à l'européenne ».

Le métavers européen est inscrit dans le programme présidentiel, mais sa méthode de construction reste à définir. Un collectif du Think Tank des métavers Européens décrit la feuille de route pour ne pas rater la prochaine vague de la transition numérique.

Emmanuel Macron a promis de « bâtir un métavers européen ». Cependant, face à Meta-Facebook, qui dépense un milliard tous les mois, on peut déjà oublier l'idée de le concurrencer. Mais comment s'y prendre si l'on veut que l'Europe fasse le poids face aux futurs géants du métavers ? Faut-il construire des doubles virtuels de nos musées, usines ou pays ?

Quel univers virtuel choisir alors : Meta , Fortnite , Huawei ? Et pour y faire des achats, faudra-t-il attendre l'e-euro ou utiliser une cryptomonnaie privée ? On le voit, bâtir un métavers européen ne se décrète pas. Il faut prendre le problème autrement. La bonne méthode est de créer un métavers « à l'européenne ».

Nouvelle grande vague numérique

Il faut d'abord définir le métavers : comme « multimédia » dans les années 2000, c'est un mot-valise pour regrouper les cryptomonnaies, NFT, réalité virtuelle et augmentée, blockchain, intelligence artificielle et plateformes collaboratives. Il évoque la nouvelle grande vague numérique, plus puissante que le web, le commerce électronique et l'ubérisation réunis.

Expliquer ensuite ce à quoi sert le métavers : aujourd'hui, les commissions sur un transfert d'argent entre pays sont de 6 %. Elles seront quasi-nulles grâce aux cryptomonnaies. Quand notre TGV est en retard, il faut remplir un formulaire pour se faire rembourser. Ce sera automatique grâce à l'argent programmable. Quand on achète une maison sur plans, il est difficile de s'imaginer y vivre.

On pourra s'y voir avec ses enfants grâce aux lunettes immersives. Quand on voyage, on passe son temps à feuilleter des guides touristiques. On aura les renseignements utiles en superposition des monuments grâce aux lunettes de réalité augmentée. Quand on achète une boîte de raviolis, il est impossible de s'assurer qu'elle ne contribue pas à la déforestation. On disposera d'une traçabilité complète de la production grâce à la blockchain.

Un Code qui reste à écrire

Préciser le cadre de confiance. Le métavers est menacé d'hyper-compétition, abus de position dominante, manipulation de l'information, usurpation d'identité, travail sous-payé, marketing de l'addiction, captation des données personnelles. Les premiers règlements européens (DMA, DSA) montrent la voie. Mais un véritable Code du métavers équivalent au Code du transport aérien reste à construire.

Identifier des modèles référents. Face à la concurrence excessive des prix, Yuka affiche la qualité nutritive des produits sur le smartphone des consommateurs. Face à la domination des oligopoles sur les petits producteurs, la marque « C'est qui le patron ? » établit la juste répartition du prix d'un litre de lait.

Face à l'ubérisation des indépendants, la SACEM reconnaît la contribution de chaque musicien dans une oeuvre collective. Face à la désinformation, AFP-Factuel décortique les vidéos pour en vérifier l'authenticité. Ces modèles ont leurs imperfections, mais fournissent des étalons pour apprécier le bénéfice sociétal des milliers de projets du métavers.

Faire entendre la voix européenne

Ouvrir une perspective de prospérité. En 1900, très en retard sur les technologies de l'électricité, de la mécanique et de la chimie, la France s'était propulsée aux premières places en dix ans grâce à l'invention de leurs usages : automobile, aviation, cinéma, grands magasins, médicaments, cosmétique, parfums. De même, elle doit aujourd'hui s'approprier les technologies pour enrichir ses savoir-faire et réinventer ses produits.

Imprimer l'identité européenne sur le métavers. Le monde a besoin d'entendre la voix européenne pour rendre les produits nativement durables, grâce à des normes plus avancées, à la responsabilité des consommateurs et à la culture de l'intérêt général. Ce besoin n'est pas qu'idéologique, c'est un avantage compétitif à valoriser.

Le fer de lance d'une nouvelle stratégie

Fédérer les visions d'un nouveau modèle économique et social, en s'inspirant de la French Tech et en accompagnant les start-up, mais de manière plus inclusive pour les consommateurs responsables, les utilisateurs pionniers et les grandes entreprises en mutation. Inciter enfin les entreprises et les filières éducatives à s'approprier les technologies pour comprendre, tester, innover et se réinventer.

Comme chaque grande avancée technologique - imprimerie, vapeur, électricité - le métavers va transformer profondément l'économie. La feuille de route du métavers européen doit devenir le fer de lance d'une nouvelle stratégie de politique industrielle.